« Si vous recherchez Paris sur Google, des images de la Tour Eiffel apparaîtront », a déclaré le révérend chanoine Norm Wesley. « Si vous recherchez Moose Factory sur Google, l’église St. Thomas apparaîtra. Elle est emblématique. » Prêtre anglican ordonné, le chanoine Wesley est également ancien Chef de la Première Nation crie de Moose (PNCM) et coprésident, avec Logan Jeffries, du comité Save St. Thomas. Moose Factory est une petite collectivité insulaire sur la côte de la baie James, dans le nord de l’Ontario. Une réserve PNCM occupe les deux tiers de l’île de Moose Factory, bien que le territoire traditionnel des Môsonîw Ililiw soit beaucoup plus vaste et englobe la partie hors réserve de l’île où se trouve St. Thomas. Tous les Môsonîw Ililiw locaux, à l’exception de la plus jeune génération née au cours de la dernière décennie, ont assisté à des événements importants dans l’église St. Thomas : des baptêmes, des mariages et surtout des funérailles.
Consacrée en 1864, l’église anglicane St. Thomas a été construite au cours des huit années précédentes par des charpentiers et des ouvriers de la Compagnie de la Baie d’Hudson (CBH), dont beaucoup d’entre eux d’ascendance crie et européenne, avec l’aide saisonnière de chasseurs cris. L’église anglicane St. Thomas, une église en bois de style gothique avec un clocher, un chœur et une nef, est un élément essentiel du paysage culturel de Moose Factory. Établie pour la première fois en 1673 dans un lieu de rassemblement estival traditionnel des Cris, Moose Factory est le deuxième plus ancien site de la CBH sur le territoire qui est aujourd’hui le Canada et a longtemps été le siège social de la CBH pour le bassin versant de la baie James. Dans les années 1870, c’était une plaque tournante régionale de communications terrestres et transatlantiques qui abritait des constructeurs navals, une imprimerie, un évêque et une population multiculturelle croissante. Les mariages à l’église anglicane St. Thomas ont parfois été annoncés dans des journaux à l’étranger comme The Times à Londres. Présentée dans le documentaire de l’Office national du film de 1944 Fur Country, Moose Factory était toujours une « ville d’entreprise » de la CBH visitée uniquement de façon saisonnière par la plupart des Cris, mais en quelques décennies, la ville est devenue l’établissement permanent des Môsonîw Ililiw, dont la Compagnie a toujours compté sur l’expertise et l’hospitalité.
Au niveau national, Moose Factory est l’un des plus anciens « terrains intermédiaires » autochtones-européens continus du Canada; depuis près de trois siècles et demi, les relations se définissent avant tout par l’interdépendance et la réciprocité socio-économiques, l’interculturalité et les mariages mixtes. Cette culture de réciprocité a été affaiblie pendant les moments les plus intenses de l’imposition coloniale (en particulier au milieu du XXe siècle), mais elle a néanmoins persisté et est l’une des forces que la collectivité continue de démontrer, alors qu’elle cherche à construire un avenir avec son passé commun. Cela peut aider à imaginer, encourager et faire progresser la réconciliation à l’échelle du Canada.
Bien que la désignation de lieu historique national de Moose Factory en 1957 ait été attribuée à plusieurs bâtiments associés au poste de la CBH, l’église anglicane St. Thomas est considérée comme le bâtiment patrimonial le plus important de la région par la collectivité actuelle : les membres de la Première Nation crie de Moose, le Conseil des Cris de MoCreebec et les collectivités plus larges de Moose Factory et de Moosonee. Le révérend chanoine Norm Wesley explique pourquoi il a assumé le rôle de coprésident du comité Save St. Thomas, créé en 2020 par la Moose River Heritage and Hospitality Association : « Il y a des sentiments mitigés au sujet de l’église, mais une chose est sûre : elle a eu une incidence considérable sur nous du point de vue de sa mission, du point de vue de nos gens. Ma mère et mon père, la génération précédente, étaient si proches de l’église. Mais en même temps, il y avait beaucoup de choses qui se passaient, comme nous le savons tous, au sein de l’église, […]. À une époque où nous démolissons des statues et des monuments, cette collectivité a choisi de maintenir ce bâtiment, cette église patrimoniale, à cause de ce qu’elle représente… en souvenir de notre patrimoine, de notre passé, des bonnes et des mauvaises choses et des choses que nous affirmons que nous n’oublierons jamais. […] Beaucoup, beaucoup de gens sont venus de loin pour [la] voir […]. Elle est importante pour nous et […] pour l’histoire de ce pays. »